Raphaëlle Kulis a obtenu son doctorat en Science des matériaux en 2019. Cette thèse, réalisée entre le laboratoire SIMM (Paris) et l’entreprise Saint-Gobain, portait sur l’étude de nouvelles résines thermodurcissables biosourcées et l’influence de l’humidité sur leur comportement micro mécanique. Depuis septembre 2020, elle effectue un post-doctorat financé par la Fédération Fermat sous la supervision de Christophe Coudret  (IMRCP) et Nicolas Dietrich  (TBI) et en collaboration avec d’autres laboratoires toulousains (LGC, IMFT…).

Cette étude s’inscrit dans le contexte de l’ingénierie des bio-procédés et en particulier, des phénomènes de transfert aux interfaces gaz/liquide.  Pour étudier ces transferts, une méthode consiste à utiliser des colorants dont la luminescence dépend de la concentration locale de l’espèce d’intérêt. Cette méthode ne permet toutefois pas de suivre simultanément plusieurs espèces, les longueurs d’onde d’excitation des colorants les plus utilisés se situant dans une plage étroite de 400 nm à 500 nm (chevauchement des longueurs d’onde réémises).

L’objectif de ce projet est de développer un nouveau type de sonde luminescente multimodale permettant de mesurer simultanément la concentration d’une ou plusieurs espèces chimiques (dont l’oxygène dissout) et l’hydrodynamique locale dans un fluide en écoulement, en particulier à l’échelle micrométrique et millimétrique.

Pour ce faire, notre idée est d’associer des nanoparticules anti-stokes (upconverting nanoparticles en anglais) à une sonde à oxygène standard (complexe de ruthénium) (cf. Figure).  Les particules anti-stokes sont des particules capables de convertir la lumière proche infrarouge (980 nm) en une lumière visible (450 nm). Cette lumière visible sera utilisée pour exciter les complexes  de ruthénium, les nanoparticules jouant ainsi le rôle de « nano lampes ». Les molécules de ruthénium excitées réémettront une réponse lumineuse (650 nm) proportionnelle à la concentration locale en oxygène. Il sera donc possible de suivre la concentration en oxygène avec une excitation proche infrarouge.

Le principal avantage de ces sondes est qu’elles pourraient fonctionner simultanément avec une autre sonde fluorescente en phase liquide en utilisant une source d’excitation double (à savoir, une excitation dans le proche infrarouge pour le couple particules anti-stokes/sonde à oxygène et une excitation dans le visible pour la seconde sonde en phase liquide). Cette configuration permettrait la détection simultanée de plusieurs espèces. De plus, en associant les particules anti-stokes et la sonde à oxygène dans une structure hydride de taille contrôlée, il sera possible de mesurer simultanément le champ de vitesse local par la technique de Vélocimétrie par Images de Particules (PIV).

La première partie du projet, actuellement en cours, porte sur le développement desdites structures hybrides. Les particules anti-stokes et le complexe de ruthénium sont combinées dans  des billes polymères de taille micrométrique contrôlée par la technique de gonflement/dégonflement.  Les premiers résultats sont prometteurs et confirment l’encapsulation indépendante de la sonde à oxygène et des particules anti-stokes. La co-encapsulation et la caractérisation de la réponse lumineuse en fonction de la concentration en oxygène sont en cours d’investigation.

Dans un second temps,  il s’agira d’utiliser ces structures hydrides pour mesurer simultanément la vélocimétrie et la concentration en oxygène dissout dans un écoulement liquide dans des micro canaux. Une fois cette étape validée, il sera alors possible d’intégrer une seconde sonde luminescente dans la phase liquide afin de mesurer simultanément un troisième paramètre (CO2, température…).